Cézanne – Renoir

Regards croisés





Auguste Renoir, Jeunes filles au piano, vers 1892, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l’Orangerie) / Franck Raux

Auguste Renoir, Pêches, 1881, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski

Auguste Renoir, Le Poirier d'Angleterre ou Le Verger à Louveciennes, vers 1873, Musée d'Orsay, Dation, 2012 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Auguste Renoir, Femme nue couchée (Gabrielle), 1906, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski
Chefs-d'œuvre des collections des musées de l'Orangerie et d'Orsay

Du 12 juillet au 19 novembre 2024 – Tous les jours de 9h00 à 18h00

Invitation au vernissage de l'exposition


Cézanne, Renoir : regards croisés sur deux maîtres de la peinture française du dernier quart du XIXe et du début du XXe siècle : Renoir, exposé en 2014 à la Fondation Pierre Gianadda et Cézanne en 2017. Les voilà réunis pour faire vivre les cimaises de la Fondation avec des œuvres qui se comparent, se confrontent, s’émancipent et deviennent enfin tutélaires des futures avant-gardes du XXe siècle. Tel se révèle le défi que les musées de l’Orangerie et d’Orsay à Paris démontrent cet été avec quelque 60 tableaux. Sylvain Amic, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie et Claire Bernardi, directrice du musée de l’Orangerie, se souviennent avec émotion du soutien et de l’engagement de Léonard Gianadda pour la réussite de ce dialogue au sommet entre Cézanne et Renoir. Le président de la Fondation, juste avant sa disparition, a tenu à ce que cette exposition fasse escale au coude du Rhône. Le catalogue et l’exposition sont un dernier hommage de reconnaissance exprimé par Sylvain Amic, son prédécesseur Christophe Leribault et Claire Bernardi au très regretté Léonard Gianadda.

Cézanne, Renoir : regarder le monde

À la croisée du XIXe et du XXe siècle, Renoir et Cézanne ont creusé deux sillons de la modernité picturale : le premier en frayant le chemin de traverse de l’impressionnisme, où la ligne cède le pas à la touche, à la couleur et à la lumière ; le second en pavant une voie nouvelle aux tracés rythmiques et synthétiques. Bien que distinctes, leurs trajectoires n’ont cessé de se rencontrer, par l’amitié, par l’admiration réciproque, par une communauté de sujets et de questionnements aussi, de la nature morte aux paysages, du portrait au nu, et jusque dans leur quête d’une essence des choses et des êtres. Les deux peintres avaient aussi en commun des collectionneurs et marchands visionnaires qui les ont consacrés sur le marché de l’art : Victor Chocquet, Ambroise Vollard, Albert Barnes et bien sûr Paul Guillaume ainsi que son épouse Domenica. Donc, rien d’artificiel à ce dialogue entre les œuvres de Cézanne et de Renoir qui prolonge celui qui s’était noué entre les deux hommes dans l’atelier du peintre Charles Gleyre à l’orée de leur carrière.

La touche fluide de Renoir, celle construite de Cézanne

La première partie de l’exposition présente une introduction établie sur une comparaison chaque fois de deux tableaux de Cézanne et de Renoir. Elle relève les thèmes les plus typiques en mettant en exergue les confrontations dans leur manière de peindre les natures mortes, les paysages, les portraits et les baigneuses. Par exemple : Les pêches, 1881, de Renoir et Vase paillé, sucrier et pommes, entre 1890 et 1894 de Cézanne. Pour Les pêches, Renoir multiplie les points de vue. Il propose une vision plongeante sur le sujet principal placé au centre dans un compotier blanc. Il met en évidence les tons chatoyants des fruits disposés en pyramide avec en contre point une pêche isolée. Les motifs de la tapisserie avec ses feuillages colorés forment un véritable paysage traité avec la touche impressionniste. Dans Vase paillé, sucrier et pommes, le vase paillé, thème récurrent des natures mortes de Cézanne, devient éponyme du titre du tableau. Il se révèle le pivot de la composition.Les fruits à la sensualité palpable, apparaissent au premier plan d’une mise en scène théâtrale. Tandis que la table semble basculer, les jeux de lumière et de couleur structurent la scène. Le sucrier et l’assiette blanche apportent de la clarté. Le tableau interpelle par l’intemporalité du sujet et la monumentalité avec laquelle Cézanne parvient à représenter de modestes objets du quotidien.

La variété des touches de Renoir et celles matiéristes de Cézanne

Dans la deuxième partie, une approche chronologique des deux artistes met en évidence leur évolution stylistique singulière. Le poirier d’Angleterre, 1873, où Renoir présente un paysage pleinement impressionniste dominé par les différentes tonalités de vert marque l’attrait du peintre pour une végétation foisonnante. Elle est à la fois le décor et le sujet de la toile, dominant les trois figures humaines qui mettent en valeur le côté monumental du poirier. Les reflets lumineux, que s’attache à traduire le peintre, se retrouvent dans les jeux de couleurs, marqués par des tons clairs et une touche légère presque transparente. Les personnages sont à peine ébauchés alors qu’il est un adepte des scènes de genre. Dans Paysage au toit rouge, 1875-1876, Cézanne initié à la peinture en plein air par Pissarro, réalise ce tableau sur le motif. Il joue avec les effets de matière pour en représenter les différents éléments. Le ciel est balayé à la brosse, des touches longues évoquent l’étendue des champs, le feuillage exprimé par des virgules animées et les maisons en touches épaisses. L’œuvre surprend par sa composition asymétrique qui ne désigne aucun sujet précis sinon le paysage tout entier. Un arbre au premier plan ouvre sur l’horizon, alors qu’au cœur du tableau un massif dissimule l’entrée d’une maison, à peine visible.

Leur postérité dans la génération moderne

L’ultime partie montre le passage à la postérité de Cézanne et Renoir. « Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône » écrit Cézanne. Son application dans la géométrisation des formes et la construction de l’espace annoncent le cubisme comme dans Dans le Parc de Château Noir, 1900. Cézanne traite des arbres, dans une composition serrée, centrée sur l’arbre, sujet favori de l’artiste à la fin de sa vie. Alors que Renoir contribue à façonner le cours de l’art moderne avec son exploration de la lumière, sa maîtrise du portrait et sa célébration des nus comme dans Femme nue couchée, 1906.

Cézanne, Renoir : des figures tutélaires

L’avant-garde turbulente du début du XXe siècle porte un regard attentif sur les maîtres qui les ont directement précédés. Le Salon d’automne de 1904 consacrait l’influence de Cézanne sur la jeune peinture et plus tard sur le cubisme. Par contre pour celle de Renoir, de plus longues années semblent avoir été nécessaires. Dès 1918, dans l’œuvre de Matisse comme de Picasso et d’autres artistes, l’empreinte de Renoir est marquée particulièrement par ses baigneuses.

Pour illustrer l’envergure de Renoir et Cézanne sur la nouvelle génération de ces peintres modernes, des œuvres de Picasso compléteront avec panache cette rencontre magnifique de deux géants de l’histoire de l’art.

Antoinette de Wolff

Avec le soutien de

UBS
Paul Cézanne, Dans le parc de Château Noir, entre 1898 et 1900, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski

Paul Cézanne. Madame Cézanne au jardin, vers 1880, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski

Paul Cézanne, Vase paillé, sucrier et pommes, entre 1890 et 1894, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski

Paul Cézanne, Paysage au toit rouge ou Le Pin à l'Estaque, entre 1875 et 1876, Musée de l'Orangerie, Paris © GrandPalaisRmn (Musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski